Pensions retraites des policiers et militaires : la fraude fait perdre à l’État du Cameroun 3,1 milliards de FCFA par an


(Investir au Cameroun) – Au moment de percevoir leurs pensions du mois de juillet 2024, les retraités de la police et des forces de défense camerounaises ont constaté une réduction de l’enveloppe qui leur est habituellement servie. Dans un communiqué publié le 22 août 2024, la division de la communication du ministère des Finances (Minfi) révèle que cette réduction est consécutive à la suspension du paiement de l’allocation familiale relative au nombre d’enfants des pensionnés. Il s’agit, apprend-on, d’une « mesure conservatoire » prise dans le cadre d’un groupe de travail conjoint entre le Minfi, le ministère de la Défense (Mindef) et la Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN), à la suite d’un audit ayant révélé des fraudes sur cette allocation.

Selon le Minfi, cet audit, qui s’inscrit dans le cadre de « l’assainissement permanent du fichier solde de l’État », découle du constat de « l’augmentation rapide du montant de cet élément de gain servi aux retraités de l’armée et de la police, sur la base du nombre d’enfants de plus de 16 ans (plus de 20 ans pour les policiers) élevés au cours de leur carrière. L’explosion du montant de ladite allocation pécuniaire servie aux retraités sus-indiqués, au cours de la période 2010-2021, a engendré une détérioration croissante de la soutenabilité du système des retraites », indique le Minfi. Et de poursuivre : « lancé depuis 2022, cet audit […] a permis de relever les irrégularités suivantes : environ 12 846 actes de naissance déclarés faux par les centres d’état civil, environ 4 300 retraités (418 de la police, 3 842 de l’armée et 43 pensions de réversion servies aux veuves des militaires) avec au moins un acte déclaré faux ».

De sources internes au Minfi, ces pratiques frauduleuses, qui visent à faire payer par l’État une allocation familiale plus importante que celle réellement due aux pensionnés, ont fait perdre au Trésor public environ 3,1 milliards de FCFA chaque année. Ce qui correspond à une perte cumulée d’environ 35 milliards de FCFA, si l’on se réfère à la période 2010-2021 couverte par l’audit tripartite, effectué en collaboration avec les départements ministériels et administrations chargés de la gestion des effectifs concernés.

Réclamations

La « mesure conservatoire », qui a consisté à suspendre le paiement de cette allocation dès juillet 2024, en attendant d’y voir plus clair, vise donc à stopper cette saignée imposée au Trésor public, apprend-on au ministère des Finances. Une phase contentieuse a aussitôt été ouverte pour recevoir des réclamations des pensionnés s’estimant lésés. « Le ministre des Finances invite tous les pensionnés concernés à bien vouloir mettre à profit la phase contentieuse ainsi ouverte, et qui va se poursuivre jusqu’à la fin du mois d’octobre 2024, afin de fournir aux préposés commis à cette tâche dans son département ministériel les éléments permettant d’assurer désormais le paiement sur une base légale de leur indemnité de majoration pour enfants », souligne le communiqué cité plus haut.

En effet, apprend-on, suite à la suspension du paiement des allocations familiales aux concernés, « un dispositif d’accueil a été mis en place depuis le 29 juillet 2024, dans les locaux du bâtiment A du ministère des Finances, où les dossiers comportant les actes de naissance réguliers ainsi que toutes les pièces justificatives authentiques sont reçus et examinés. À ce jour, sur 110 dossiers reçus via ledit dispositif, 52 ont pu connaître une suite favorable se traduisant notamment par la restauration de leur majoration au cours de la solde du mois d’août 2024, avec rappel du mois de juillet. Quant aux autres, leurs revendications continuent d’être examinées, soit grâce à la présentation des actes authentifiés, soit par la complétude de leurs dossiers ».

Pour l’heure, aucune information ne filtre sur le sort qui sera réservé aux pensionnés effectivement reconnus coupables de fraude, et ayant par conséquent fait perdre de l’argent à l’État. Logiquement, l’on devrait s’acheminer vers la décision de leur servir des « ordres de recettes », afin de récupérer progressivement, par prélèvement sur les pensions, les montants indûment perçus par ces derniers. Cependant, une source proche du dossier n’exclut pas la possibilité que « l’État ferme les yeux » sur ce passif.

Brice R. Mbodiam

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